Chambl’envi: comment définiriez-vous les principales fonctions du fleuve Loire ?
Raymond Autin :
– D’abord, récupérer toutes les eaux du bassin versant pour les conduire à l’océan
– alimenter flore et faune, faire vivre tout un ensemble complexe d’écosystèmes
– alimenter en eau potable de nombreuses populations
– permettre l’activité des entreprises industrielles gourmandes en eau (teinturerie,verrerie, papeterie, centrales nucléaires…)
– l’irrigation nécessaire à l’agriculture, l’abreuvage des animaux
– la production d’énergie électrique mais aussi «encore» énergie mécanique grâce aux biefs
– permettre la pêche, les activités ludiques ( voile, ski nautique, canoë, joute….)
– Alimentation en eau de canaux , des étangs
– extraction de sable et graviers
– Le transport de marchandises et de passagers (à partir de Roanne et surtout d’Orléans )
Chambl’envi: quel est alors le rôle du barrage ?
Raymond Autin
Avec les barrages, la conservation et le contrôle de grandes nappes d’eau est assurée. La réserve d’eau accumulée derrière le mur est le moyen de stocker l’énergie en grande quantité ;autre avantage , cette énergie est renouvelable et disponible instantanément.. Ces ouvrages produisent 15% de la production Française de l’énergie électrique, qui est de loin l’énergie la moins coûteuse.!
La France compte aujourd’hui plusieurs milliers de barrages autorisés, dont 300 sont classés comme intéressant la sécurité publique ;;;;.Grangent fait partie des ouvrages de grande hauteur
Le barrage crée une nappe artificielle, qui va ralentir l’écoulement des eaux du fleuve, et de ce fait entraîner la décantation derrière le mur, des sédiments naturels :sable, granulats, mais aussi l’apport de pollutions diverses : industrielles , agricoles, ménagères ( les boues ) . La sédimentation de ces apports va colmater les berges et le fond de l’ouvrage .Le trop plein de nutriments ainsi que phosphates et nitrates vont, lorsque la température des eaux s’élève, amener l’eutrophisation et l’anoxie des eaux profondes ( disparition de l’oxygène ) . Or l’oxygène dissous est indispensable à la vie de tous les organismes, l’oxygène est directement impliqué dans la dégradation des matières organiques végétales et animales .
L’eau qui rentre dans le barrage à Aurec va mettre un temps variable pour arriver jusqu’au mur, quelques heures en période de crue et 42 jours en période d’étiage. Il est évident que plus le temps de séjour de l’eau est long, plus les risques d’eutrophisation sont grands, car les quantités d’apports en pollutions diverses restent constantes, pendant que dans le même temps, les apports des volumes d’eau entrants sont plus faibles.. Le mur du barrage interdit la montaison et la dévalaison des poissons migrateurs ( saumon, anguille, alose, truite…), il interdit aussi la libre circulation des sédiments de l’amont à l’aval ainsi que l’érosion régressive, ce qui entraîne à l’aval du mur l’abaissement de la ligne d’eau( creusement du lit et par exemple l’affouillement des piles de pont )
Certains barrages hydroélectriques travaillent « au fil de l’eau ». Ce n’est pas le cas de Grangent, qui fonctionne par « éclusées »:, dans ce cas, on alimente les turbines en fonction des besoins process qui entraine de graves perturbations à l’aval. Il existe à Grangent un petite prise d’eau assurant l’alimentation du canal: On en voit le tourbillon en rive gauche à quelques mètres de la berge lorsque l’on est sur le mur du barrage.
La capacité maximum d’évacuation des eaux peut atteindre 6000 m3/seconde,ce qui assure une marge de sécurité par rapport au dédit envisagé des plus hautes crues connues
Le barrage n’est pas écrêteur de crue,par exemple en 2008, en vidangeant entièrement, la retenue, (ce qui n’est pas envisageable ) elle se serait remplie à nouveau en 5h .
La règlementation impose un débit minimum de 2 m3/s à l’usage de l’aval et de 5 m3/s maximum à l’usage du Canal du Forez. En été pour préserver le tourisme nautique le barrage doit règlementairement être maintenu plein ( à la cote maxi de 420 m )
Au moment des basses eaux, il y a conflit d’intérêts, entre les plaisanciers de St Victor, les agriculteurs de la plaine, et à l’aval avec les pêcheurs et les consommateurs d’eau potable.
Chambl’envi: Vous parlez d’eutrophisation, de quoi s’agit-il?
Raymond Autin :
Lorsque la température de l’eau est élevée, la présence en quantité de nitrates et de phosphates facilite le développement, d’ algues appelées cyanobactéries. Elles forment en surface une pellicule épaisse de couleur verte. Ce sont ces bactéries qui créent l’eutrophisation. Ces algues interdisent la pénétration de la lumière, le soleil n’exerce plus son action bactéricide , elles sont responsables de la désoxygénation des eaux, elles ne sont pas consommables par les poissons, ces myriades d’organismes vont mourir et venir polluer l’aval ( Certaines catégories de cyanobactéries jusqu’à ce jour inconnues à Grangent, sont dangereuses, éventuellement mortelles )
Pour pouvoir maintenir l’autorisation de baignade à Saint-Victor, avec une eau compatible, il a été installé un système de pulsion d’air qui évite le regroupement des éléments permettant la formation de cyanobactéries.